Conférence de Jean-Noël Toubon Sur le règne de Louis IX et la doctrine des deux glaives, lors de l'université d'été du cercle Richelieu de août 2023.

Quelle est la différence entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel au Moyen Âge ?

La doctrine des deux glaives est une doctrine médiévale qui traite de la répartition du pouvoir entre l'Église et l'État. Elle prend sa source dans une interprétation d'un passage biblique et a été largement développée au cours du Moyen Âge, notamment par des théologiens et des juristes chrétiens.

L'expression "doctrine des deux glaives" trouve ses racines dans l'Évangile selon Luc 22:38, où les disciples de Jésus présentent deux glaives à leur maître, et ce dernier répond : "C'est assez." Les théologiens médiévaux, dont le pape Boniface VIII, ont interprété ce passage comme une allégorie des deux formes de pouvoir : le pouvoir spirituel (représenté par l'Église) et le pouvoir temporel (représenté par l'État).

Les origines de la doctrine des deux glaives

1. Pape Gélase I : Au Ve siècle, le pape Gélase I a écrit une lettre à l'empereur Anastase I, dans laquelle il affirme qu'il y a deux puissances par lesquelles le monde est régi : l'autorité sacrée des prêtres et l'autorité royale. Gélase soutenait que les prêtres avaient la suprématie en matière spirituelle, tandis que les rois détenaient le pouvoir temporel.
2. Innocent III et Boniface VIII : Au XIIIe siècle, le pape Innocent III a affirmé que le pouvoir spirituel avait la primauté sur le pouvoir temporel. Cette idée a été reprise par Boniface VIII dans sa bulle "Unam Sanctam" de 1302, où il déclare que pour le salut, toute créature humaine doit être soumise au pontife romain. Boniface y explicite que les deux glaives (spirituel et temporel) sont sous l'autorité du pape, mais que l'un est exercé directement par l'Église et l'autre par les rois sous la direction de l'Église.

Les implications historiques de la doctrine des deux glaives

La doctrine des deux glaives a joué un rôle crucial dans les relations entre l'Église et l'État au Moyen Âge. Elle a justifié la suprématie de l'autorité ecclésiastique sur les affaires temporelles et a souvent été invoquée dans les conflits entre les papes et les empereurs du Saint-Empire romain germanique, ainsi qu'avec d'autres souverains européens. Cette doctrine a été contestée pour les partisans d'une séparation du sacré et du temporel menant inexorablement vers laïcité de notre époque moderne (séparation des Eglises et de l'Etat) et a évolué avec le temps, particulièrement avec l'avènement de la modernité et la séparation progressive des pouvoirs religieux et civils.

En résumé, la doctrine des deux glaives symbolise la dualité du pouvoir médiéval entre l'Église et l'État, avec une nette prééminence du spirituel sur le temporel selon l'interprétation ecclésiastique. Cette doctrine a profondément marqué l'histoire politique et religieuse de l'Europe, influençant la pensée et les structures de pouvoir durant plusieurs siècles.

Quels rapports entretenaient Louis IX avec l'Eglise ?

Louis IX, également connu sous le nom de Saint Louis, a entretenu une relation étroite et complexe avec l'Église tout au long de son règne (1226-1270). Sa piété personnelle et son engagement envers les principes chrétiens ont profondément influencé sa politique intérieure et extérieure.

Un roi d'une grande piété

Louis IX est connu pour sa piété exceptionnelle. Il était profondément religieux, menant une vie de prière et de pénitence. Il assistait quotidiennement à la messe, observait des jeûnes rigoureux, et s'entourait de conseillers ecclésiastiques. Il avait également une grande dévotion pour les reliques chrétiennes, notamment la Couronne d'épines, qu'il fit installer dans la Sainte-Chapelle à Paris, construite pour abriter ces précieuses reliques.

Les relations de Louis IX avec le clergé

Louis IX entretenait des relations respectueuses et collaboratives avec le clergé. Il soutenait les réformes de l'Église et œuvrait pour améliorer la moralité et la discipline au sein du clergé français. Il encourageait également les ordres religieux, notamment les Franciscains et les Dominicains, qui jouaient un rôle crucial dans la prédication et l'éducation.

La justice et le gouvernement de Louis IX

Sa foi influençait sa vision de la justice et du gouvernement. Louis IX se voyait comme un roi chrétien, responsable devant Dieu de la conduite de son royaume. Il a institué plusieurs réformes visant à rendre la justice plus équitable, s'inspirant des principes chrétiens de charité et de miséricorde. Par exemple, il a interdit les ordalies et les duels judiciaires, et a encouragé les enquêtes judiciaires fondées sur des preuves rationnelles.

Les relations de Louis IX avec la papauté

Louis IX entretenait des relations globalement harmonieuses avec la papauté. Il respectait l'autorité papale et cherchait souvent les conseils des papes sur des questions de politique et de morale. Cependant, il maintenait une certaine indépendance dans ses décisions politiques. Par exemple, bien qu'il ait participé aux croisades, il le fit principalement par dévotion personnelle et par souci de défendre la chrétienté, plutôt que par simple obéissance aux appels papaux.

Louis IX et les croisades

Louis IX est surtout célèbre pour sa participation à deux croisades, la Septième Croisade (1248-1254) et la Huitième Croisade (1270), motivé par son profond désir de défendre la chrétienté et de récupérer les lieux saints. Ces expéditions furent coûteuses et éprouvantes, et bien qu'elles ne furent pas couronnées de succès, elles illustrent son zèle religieux et son engagement envers l'idéal de la croisade prôné par l'Église.

La canonisation de Louis IX

Louis IX fut canonisé par l'Église catholique en 1297, moins de trente ans après sa mort, par le pape Boniface VIII. Sa canonisation témoigne de la reconnaissance par l'Église de ses vertus chrétiennes et de son rôle exemplaire en tant que roi chrétien.

Louis IX a entretenu un rapport de profonde dévotion et de collaboration avec l'Église, intégrant les principes chrétiens dans sa gouvernance et ses politiques. Sa relation avec l'Église fut marquée par le respect mutuel et l'influence réciproque, faisant de lui un modèle de roi chrétien médiéval.