[Sassy_Social_Share]

L’empire romain chancelait sur ses bases. Ébranlé de tous les côtés par les barbares, il allait s’effondrant le colosse aux pieds d’argile que la Providence de Dieu avait suscité pour donner la paix au monde sous l’empereur Auguste et permettre les victoires pacifiques de son fils, le Christ-Roi, et la diffusion de l’Évangile.

Les empereurs romains, depuis Néron jusqu’à Dioclétien, avaient fait périr des millions de martyrs, mais selon la belle parole de Tertullien, « le sang des martyrs était une semence de chrétiens ». Le premier empereur catholique, Constantin, avait fait de Byzance sa capitale, laissant Rome au pape saint Sylvestre, et l’un de ses lieutenants à Ravenne pour veiller sur l’Occident.

Dans la Gaulle conquise par César, l’apôtre saint Pierre avait envoyé ses disciples prêcher l’Évangile, et, quelle que soit l’opinion des savants sur l’apostolicité des Églises, de France, on peut affirmer que plusieurs de nos Églises ont été fondées, dès le premier siècle, par les disciples des apôtres et par des missionnaires envoyés de Rome. Parmi eux se trouvaient saint Sixte et saint Sinice qui ont prêché l’Évangile à Reims, une des métropoles de la Gaule. Ils sont nos premiers apôtres ; et sans vouloir soutenir, qu’ils ont fondé immédiatement un diocèse, on peut affirmer qu’ils ont établi dans la cité une Église, l’Église n’étant que la communauté des fidèles, et cette Église a possédé un chef, un surveillant, un évêque, l’essence même de l’organisation catholique.

« Après la mort de Domitien, dit Lactance, l’Eglise étendait ses bras de l’Orient à l’Occident, en sorte qu’il n’y avait aucun coin de la terre où le culte du vrai Dieu n’eût pénétré ».

Si l’histoire ne nous a pas transmis tous les noms des premiers évêques de chacune des Églises de France, en particulier de l’Église de Reims, nous pouvons regretter de ne pas voir ces noms inscrits en tête du véritable nobiliaire de notre nation, mais nous pouvons affirmer avec les plus récents historiens que, pendant les trois premiers siècles, les disciples des Apôtres prêchèrent dans les cités, convertirent les patriciens, les magistrats, les ouvriers, les négociants et créèrent au prix de mille sacrifices, parfois au prix de leur sang, nos Églises diocésaines. Le rôle de ces premiers apôtres, c’est de jeter les fondements de l’édifice, d’asseoir profondément dans les entrailles de notre sol ces pierres angulaires contre lesquelles les portes de l’enfer se briseront éternellement. L’honneur à ces ouvriers de la première heure qui ont frayé le chemin à la civilisation française ! Sans eux, la cité allait à la barbarie, et la cité était presque tout le monde romain.

Mais en dehors des remparts protecteurs de la cité attendait la foule des abandonnés, toute cette classe agricole qui n’était rien encore et qui allait surgir à la vie, à la prospérité, sous le souffle fécond de l’égalité chrétienne. Cet enfantement laborieux sera le grand événement social du quatrième siècle, l’oeuvre de saint Martin de Tours, de saint Hilaire de Poitiers, de saint Germain d’Auxerre, et, un peu plus tard, de saint Nicaise de Reims et de ses successeurs. Enfin viendront les convertisseurs de la race franque, sans lesquels peut-être la barbarie et le paganisme eussent repris le dessus, ramenés avec le flot de la marée montante. Ceux-là sont saint Remi, dont la parole conquit à la longue le conquérant de la vieille Gaule et ses guerriers ; saint Vaast, saint Piat, saint Eleuthère, que saint Remi envoya prendre possession d’Arras, de Cambrai, de Tournai, et de toute la région occidentale occupée par les Francs. Ils sont venus les derniers, mais ils ont eu l’honneur d’achever et de consolider l’œuvre de leurs devanciers ; ils ont couronné l’édifice et planté le drapeau sur le faîte ; ils n’ont rien à envier aux autres.

Voilà comment la France est née ; car la France ne serait pas sans le catholicisme.

Après avoir respiré dans notre pays dès l’origine et s’être d’abord communiquée à un petit troupeau de fidèles, la foi catholique a régné de bonne heure dans un assez grand nombre de centres diocésains, et, gagnant de proche en proche, elle est parvenue à dominer partout. De pareilles transformations ne s’opèrent pas en quelque années. Dieu emploie le miracle ; mais il veut que l’homme apporte sa collaboration au miracle, et cette collaboration prend du temps. Plus heureux que certains critiques voudraient nous le faire croire, notre sol a reçu en partie la semence de l’Évangile aux premiers jours de sa diffusion ; comme les bergers et les mages, nous avons vu luire, des premiers l’étoile du salut. Cette gloire doit suffire à notre légitime orgueil, et c’est avant tout dans le présent, dans la Vie de notre saint Remi, qu’il nous faut chercher les nouvelles conquêtes du christianisme.

Apprenez, mon fils, disait saint Remi à Clovis, la veille de son baptême, « que le royaume de France, est prédestiné par Dieu à la défense de l’Église romaine, qui est la seule véritable église de Jésus-Christ. Ce royaume sera un jour grand entre tous les royaumes de la terre ; il embrassera toutes les limites de l’empire romain et soumettra tous les autres royaumes à son sceptre. Il durera jusqu’à la fin des temps. Il sera victorieux et prospère tant qu’il restera fidèle à la foi romaine, mais il sera rudement châtié toutes les fois qu’il sera infidèle à sa vocation ».

Ces paroles prophétiques du vieil apôtre des Francs, de celui que dom Marlot appelle « l’astre brillant de notre église de Reims, le père des rois, l’ange tutélaire de la France »,  nous revenaient à la mémoire au moment où nous commencions à écrire cette Vie de saint Remi. Oui, quoi qu’elle puisse dire ou faire, la France reste et doit rester ce que Dieu l’a faite. Fille aînée de l’Église, elle trouvera sa force et sa gloire à demeurer étroitement unie à sa mère. Sa destinée providentielle est de mettre au service de la vérité sa vaillance et le prestige de son nom, d’être ici-bas le sergent du Christ et d’accomplir en ce monde les gestes de Dieu.

175 pages
ISBN : 9782957190188

[Sassy_Social_Share]